“Les survivants” : le mouvement anti-IVG qui vous dit des bêtises !

Attention à leurs affirmations parfois douteuses !

Par Aylan-afir Modifié le 16/06/2016 à 14:00
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Vous avez sans doute entendu parler des manifestations anti-IVG ayant eu lieu la semaine passée ? Si non, voici l'histoire : un groupe de jeunes contre l'avortement s'est formé. Il se nomme "les survivants". Il propose sur son site internet de participer à des "actions de guérilla de rue", mais aussi à "des actions de guerilla marketing". Il se disent "ni fachos ni cathos" et sont les "jeunes survivants" de la loi Veil, comme ils aiment à le rappeler.

Le syndrome du survivant, c'est quoi ? D'après l'association ce sont plusieurs catégories "victimes" des IVG. Ceux qui sont les remplaçants d'un frère ou d'une sœur avorté, ceux qui sont vivants mais qui n'auraient pas dû naître, ceux nés par hasard et les survivants statistiques... Ces catégories de personnes ont été mises à la lumière il y'a une dizaine d'années par les chercheurs Philip G. Ney et Marie A. Peeters.

Il est également possible d'accéder via leur site web à un e-shop où sont vendus des T-shirt, des livres et autres produits dérivés pour ceux qui "rejoignent leur cause". Le site vous explique aussi de long en large les raisons pour lesquelles il faut se battre contre l'avortement.

Pour voir l'article en vidéo :

Ils se servent, pour cela, d'une étude américaine, mais l'avouent eux-même :

On ne dispose pas encore de chiffres statistiques qui montrent son ampleur en France ou dans les autres pays où l’avortement est légalisé. Seule, l’observation de mouvements récents de survivants en France permet de mesurer l’étendue des dégâts de l’avortement sur les jeunes générations.

Mais de quels mouvements nous parle-t-on ici ? Quels chiffres, quels renseignements ? A partir de là, que valent les chiffres que ce mouvement nous donne ?

La manifestation du groupe "les survivants" devant le centre Pompidou à Paris

Source photo: prochoix.fr

Attention à ce genre d'information : quand c'est joliment écrit et agréablement présenté, ça peut faire tilt chez certains. "Les survivants" utilisent une communication digitale moderne, surfant sur les réseaux sociaux et les méthodes 2.0. : leur communication est susceptible de parler aux jeunes.

Pourtant les deux seules sources citées quant aux chiffres utilisés dans leurs revendications viennent d'un même site : ined (l'institut national d'études démographiques). Les chiffres disponibles sur les pages proposées sont disponibles ici et ici. Est-ce assez de matière pour véhiculer ce genre de message ?

D'ailleurs, plusieurs informations des "survivants" sont à remettre en question. Par exemple, d'après eux :

1. Selon eux, c'est 1 enfant sur 5 qui ne naît pas

Pour ça, ils se basent sur des chiffres : il y a 800 000 naissances chaque année en France et 220 000 avortements (en incluant dans ce chiffre les avortements dits 'clandestins'). De plus, toujours d'après Ined, en 1976 c'était 246 000 avortements qui étaient estimés par notre institut national, avec plus de 134 000 avortements déclarés.

Sur quoi se basent donc "les survivants" pour donner de telles information ?

Sur ce tableau de l'Ined où en 2013 plus de 216 000 cas d'avortements ont été recensés.

Le tableau Ined sur les avortements en France depuis la loi Veil

Source photo: ined.fr

Pourtant, un rapport de l'Ined datant de 2015 indique que depuis 1975 (la loi Veil), le taux d'avortement a beaucoup chuté. Encore plus pour le taux des avortements clandestins.

2. Selon eux, de graves préjudices moraux et physiques à coup sûr pour les femmes qui avortent

Sur le site web des survivants, on trouve que :

Les études scientifiques ne manquent plus pour démontrer les ravages de l’avortement sur les femmes et les enfants survivants. Les chiffres ne viennent que confirmer, s’il en est encore besoin, que l’avortement légalisé provoque plus de mal qu’autre chose.

Ou encore :

De plus, une récente et très sérieuse étude finlandaise portant sur les statistiques nationales des années 1987 à 1994 a montré que le taux de suicide des femmes dans l’année qui suit un avortement est six fois plus élevé que celui des femmes menant à terme leur grossesse.

Il y a des risques, forcément, comme dans toute intervention médicale. Pourtant les chiffres évoqués dans diverses études (américaines, françaises...) sont très variables. Difficile, donc, de se mettre d'accord sur un pourcentage officiel de femmes qui présenterait des ravages moraux ou physiques uniquement à cause d'un IVG.

Qu'en est-il de ces femmes qui ne se sentent pas prêtes, pas capables, pas en position, ou qui n'ont tout simplement pas les moyens d'élever un enfant. Où est la place de la femme qui se sent soulagée et fière d'avoir pris une telle décision, dans ces discours là ? A ces femmes qui ont évité de mettre au monde un enfant qui finira abandonné, triste, battu ou maltraité : tout le monde ne vous oublie pas ! Loin de là ! Certaines études (proposées sur des sites recommandés par l'état) affirment par exemple "qu'aucune preuve tangible n’existe actuellement pour penser que les femmes qui interrompent une grossesse non désirée présentent plus de troubles mentaux que celles qui l’ont menée à terme" (d'après le Dr Laurence Esterle.)

3. Selon eux, une femme qui se fait violer ne tombe pas enceinte

" Il faut savoir que les cas de fécondation après un viol sont excessivement rares. Le corps de la femme est fait de telle sorte qu’il y a un phénomène naturel bloquant la fécondation lors du viol. Une étude américaine, portant sur 4 000 viols, n’a fait apparaître que deux cas de fécondation. "

Voici ce qu'affiche le site sans aucun complexe. Pour cela, ils utilisent une étude américaine datant de 1996 ayant décrété que "seulement" 5% des près de 30.000 femmes étudiées, étaient tombées enceinte à la suite d'un viol. C'est le sénateur Todd Akin qui avait, en 2012, aux Etats-Unis utilisé cette même étude pour appuyer ses propos anti-IVG. Ces déclaration avaient tellement choqué l'opinion publique qu'il avait retiré ses propos le lendemain et présenté ses excuses pour s'être "mal exprimé". Non une femme ne choisit pas le spermatozoïde qui la fera tomber enceinte !

4. Selon eux, il n'y a plus d'enfants à adopter

"A l’heure actuelle, des milliers de couples stériles ne peuvent pas adopter parce qu’il n’y a plus personne à adopter, tous les bébés sont passés à la casserole avant."

Bon pour ça, on peut toujours vous donner les liens de l'UNICEF pour vous montrer que des milliers d'enfants vivent toujours dans la misère et qu'ils auraient bien besoin d'une maison, mais on pensait vraiment que la plupart des gens le savait. En tous cas, couples stériles, ne vous inquiétez pas, l'adoption c'est encore possible, le gouvernement vous a même fait une liste des structures qui gèrent ces procédures juste ici. On a encore besoin de vous !

5. Selon eux, la contraception peut être dangereuse

"En effet, le danger est grand, lorsqu’on banalise le geste contraceptif, de se sentir déresponsabilisé vis-à-vis de la valeur de la vie, et d’en arriver à envisager l’avortement comme un moyen extrême de contraception."

Attention à ce genre de phrase qui peut sembler anodine. Plus loin dans les pages du site, ou dans les discours de certains manifestants on entend que le stérilet aussi "c'est mal". C'est un avis, une opinion. Comme toute opinion elle reste respectable. Mais il ne faut pas oublier que que la contraception reste essentielle aujourd'hui. Elle permet notamment de se protéger des infections, de réguler la population mondiale (qui rappelons-le est en pleine explosion) mais aussi de choisir. D'être mère, ou pas.

6. Selon eux, on compte 17 millions de "survivants" depuis 1975

" 17 millions de survivants statistiques nés depuis 1975 "

Disons qu'ils sont peut-être pas doués en calculs. En tous cas, nous, quand on prend les chiffres de l'INSEE sur les indices de naissances depuis 1983 (seulement 1983 et non 1975), on dépasse largement les 20 millions de naissances... Si vous êtes inquiets concernant la population française ne vous inquiétez pas, elle continue d'accroître ! Vous pouvez le vérifier sur le même tableau présenté par l'INSEE.

7. Selon eux, les survivants se droguent plus facilement

Les survivants "tombent facilement dans l’usage de la drogue".

C'est faux. Si on suit le raisonnement de ce groupe, alors nous serions tous des survivants. En tous cas, tous ceux nés après 1975. Jimmy Hendrix et sa clique n'ont pas attendu la loi Veil pour faire des concerts-orgies à base de LSD de coke et de produits psychés. Pourtant, ils n'étaient pas des survivants si l'on suit la logique de cette organisation. Ça n'est pas parce qu'on est né après 1975 qu'on a plus tendance a en prendre que les autres.

Cette association se déclare "apolitique" et "areligieuse". Pourtant le porte-parole du mouvement est un initiateur du mouvement "Manif pour tous". Vous pouvez voir son nom juste sous l'hymne de la manif' ici. Plutôt conservateur donc, le porte-parole apolitique et areligieux de l'association. Alors Emile, tu y avais réfléchi à tout ça ?

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